Le masque Niwaka, histoire d’un symbole de Fukuoka
Le masque Niwaka, histoire d’un symbole de Fukuoka
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Grâce aux révisions qui ont permis l’obtention de mon diplôme et certificat de « spécialiste de Fukuoka », j’ai appris énormément de nouvelles choses sur ma ville, son histoire et son folklore. On ne sait pas encore si l’examen sera organisé l’an prochain (tout dépendra du covid je pense) et si c’est le cas j’aimerais bien passer le niveau supérieur auquel j’ai dû renoncer en janvier dernier.
Bref, je n’ai encore jamais mis mes connaissances en pratique sur le blog et il était grand temps de me mettre à parler de Fukuoka de façon un peu moins « touristique ». Aujourd’hui je vous présente le masque Niwaka, un des symboles les plus représentatifs de Fukuoka. D’où vient-il ? Quelle est sa signification ? Quand l’utilise-t-on ? Je vous dis tout sur le Niwaka-men !
Qu'est-ce que le masque Niwaka
Le masque Niwaka ou Niwaka-men (にわか面) en japonais est un masque en carton souple recouvrant la moitié supérieure du visage. Il est traditionnellement orange avec des yeux tombants (où on perce deux trous) et des sourcils noirs prononcés.
Quiconque est déjà venu à Fukuoka à sans doute déjà vu ce masque quelque part car c’est le motif le plus utilisé pour les souvenirs ainsi que dans le design de divers posters, publicités et logos locaux. C’est aussi le signe représentatif du festival Hakata Dontaku de Fukuoka.
Le saviez-vous ?
À Fukuoka le masque Niwaka est appelé « han-men » (半面) soit « demi-masque ».
Quelles sont les origines du masque Niwaka ?
Hakata Niwaka
Le Niwaka-men est l’un des accessoires incontournables des conteurs de Hakata Niwaka (博多仁和加), le nom donné aux courtes représentations humoristiques typiques de Fukuoka données par des conteurs.
Ils parlent des évènements de la ville et du quotidien de ses habitants ainsi que des nouvelles plus globales, le tout en utilisant le dialecte local « Hakata-ben ». Ils finissent leur représentation par une sorte de phrase
choc/chute (appelée « ochi ») qui donne tout le côté humoristique à leur récit.
Il existe plusieurs types de Hakata Niwaka :
Hitori Niwaka ou Hitokuchi Niwaka
(一人仁和加・一口仁和加)
Le conteur raconte seul son histoire. Hitokuchi est beaucoup plus court que Hitori avec une durée inférieure à 1 minute.
Kakeai Niwaka
(掛合い仁和加)
Deux conteurs échangent entre eux, un peu à la manière du manzai.
Danmono Niwaka
(段物仁和加)
Les représentations sont jouées sous la forme de pièce de théâtre avec plusieurs conteurs.
Karimono Niwaka
(借物仁和加)
Le conteur emprunte des biens au public pour raconter son histoire.
Sokuseki Niwaka
(即席仁和加)
Le conteur demande au public un sujet ou un thème et improvise dessus.
Cette branche du Kyôgen (forme comique du théâtre japonais traditionnel) a été créée pendant l’époque d’Edo au 18ème siècle. D’abord populaire dans les grandes villes comme Edo (ancien nom de Tôkyô), Kyôto et Ôsaka Niwaka est jouée dans les petits festivals, la fièvre du Niwaka s’est petit à petit propagée dans tout le pays. De nos jours cela n’existe plus qu’à Fukuoka dont c’est devenu un des patrimoines culturels intangibles de la ville.
On ne sait hélas pas avec précision comment, pourquoi et par qui le Niwaka est arrivé à Fukuoka, les avis divergeant entre les historiens. Il existe 4 théories :
Akkôsai (悪口祭)
La théorie la plus répandue dit que cette forme d’humour a été importée par le seigneur Kuroda Kanbei et son fils Nagamasa, après qu’ils aient assisté à une représentation d’un festival de mauvaises langues (Akkôsai) dans un sanctuaire du Kansai. Ils ont apprécié le fait que les gens parlaient de leurs rancoeurs et moquaient librement de la politique et arrivés à Fukuoka, ils ont fait donner une représentation devant les habitants de la ville. Ces derniers ont alors adapté Akkôsai en Hakata Niwaka.
Bon odori tenka (盆踊り転化説)
Cette théorie est elle-même divisée en plusieurs petites histoires mais toutes s’accordent pour dire que Hakata Niwaka est une adaptation de bon odori, une danse donnée pendant la fête des morts en août, qui n’existait pas à Fukuoka.
Matsubayashi de no zaregoto (松囃子での戯れ言)
Cette théorie aussi répandue que Akkôsai affirme que le Hakata Niwaka vient de Matsubayashi qui est l’ancien nom du festival Dontaku.
À l’époque les habitants de Fukuoka venaient saluer le seigneur pour la nouvelle année et lui présentait toutes sortes de divertissements. Un jour un habitant raconta une blague qui a beaucoup plu au seigneur et cela a donné naissance au Hakata Niwaka.
Cette légende expliquerait pourquoi on retrouve le masque lors du festival Dontaku.
Ôsaka Niwaka Denpa-setsu (大阪俄伝播説)
C’est la théorie la plus répandue au niveau national mais la moins « appréciée » au niveau local. Elle dit que le Niwaka, qui serait une caricature du kabuki, a été inventée à Ôsaka avant d’être adaptée à Fukuoka.
Où voir des représentations de Hakata Niwaka
En 2020 il n’existe plus que 90 conteurs regroupés dans une association appelée « Hakata Niwaka Shinkô-kai » (博多仁和加振興会). Ils se produisent tous les ans lors du festival Hakata Dontaku en mai, en marge du Yamakasa en juillet et lors de concours de Hakata Niwaka en août.
Autrement des représentations plus petites sont organisées les premiers samedis et troisièmes dimanches de chaque mois au musée Hakata Machiya.
Dans tous les cas les spectacles sont gratuits.
Ci-contre un exemple de Hakata Niwaka :
Et le masque Niwaka dans tout ça ?
Les origines du masque sont floues.
On suppose qu’à l’origine il était conçu pour cacher l’identité du conteur. En effet, dans leurs sketchs ils leur arrivaient de se moquer ouvertement de sujets sensibles (comme la politique) et le masque leur permettait d’être neutre et de ne pas craindre des représailles.
Le design du Niwaka-men
Le masque Niwaka est facilement reconnaissable grâce à sa couleur orange vif et à ses yeux tombants. Cependant il n’a pas toujours été comme on le connaît !
Le design des yeux et sourcils du Niwaka-men a été inspiré d’une forme de théâtre japonais appelé Hyakumanako, très populaire à Edo dans les années 1800. Les acteurs utilisaient des masques où étaient dessinées toutes sortes d’expressions faciales mais ils étaient souvent critiqués à cause de leur manque de clarté, beaucoup d’expressions se ressemblant.
Dans les années 1840, un marchand de Kawabata (à l’époque un village, de nos jours un quartier du centre de Fukuoka) fut le premier à dessiner des sourcils et yeux sur le Niwaka-men, de façon exagérée pour qu’ils soient reconnaissables de loin et qu’ils apportent une touche humoristique aux spectacles des conteurs,
Les tous premiers masques datent d’il y a environ 350 ans et étaient fabriqués en coupant la moitié d’une lanterne japonaise puis en perçant deux trous pour les yeux. 150 ans plus tard on a commencé à le colorier entièrement en noir avant de changer de couleur pour le blanc au début de l’époque Meiji. Ils ont pris leur forme actuelle (avec des yeux dessinés) vers les années 1840.
On ne sait hélas pas pourquoi ils sont devenus oranges mais de nos jours les conteurs continuent de fabriquer leur masque dans une couleur oscillant entre le blanc cassé et l’orange pâle, en passant par une couleur tirant sur le rose.
Comment le masque est devenu un symbole de Fukuoka
Là encore il n’y a hélas que des théories et pas de raison officielle.
On raconte que le masque définit bien Fukuoka car il représente deux grands patrimoines de la ville : le Hakata Niwaka dont je parlais plus haut et le festival Dontaku qui est un des 3 principaux de Fukuoka (il attire chaque année plus de deux millions de curieux).
Enfin, son design simple et le fait qu’il soit un masque permet de l’adapter dans de nombreux domaines, que ce soit le graphisme, l’animation, ou encore les souvenirs régionaux et autres produits dérivés, si chers dans le coeur des japonais.
Si Tôkyô nous a volé les gâteaux Hyokko, au moins personne ne risque de nous prendre le masque !
Utilisation du Niwaka-men
Le masque Niwaka est bien sûr toujours porté par les conteurs de Hakata Niwaka et les participants du festival Dontaku mais comme le design est libre de droits et il n’est pas rare de croiser des adaptations. Par exemple Nagare (mon groupe de yosakoi) qui a pour thème le folklore de Fukuoka utilise le masque comme drapeau. Ils font aussi partie de nos costumes en adaptant à chaque fois la taille et la couleur.
Où se procurer un masque Niwaka
On trouve des masques Niwaka dans toutes les boîtes de biscuits Niwaka senpei qui en reprennent la forme. Ces délicieux biscuits sont un des souvenirs les plus populaires de Fukuoka (pensez-y lors de votre prochain séjour). Autrement on en distribue gratuitement lors du festival Dontaku.
Il existe aussi toute une collection de produits (pochettes, portes-clefs, magnets, sacs, etc) à l’éffigie du masque. C’est une très bonne idée de souvenir original et pas trop cher. On en trouve notamment en gare de Hakata, dans la rue commerçante Kawabata, etc.)
Aviez-vous déjà entendu ou vu ce masque ?
Pour celles et ceux qui sont déjà allés à Fukuoka, avez-vous rapporté des souvenirs à l’éfigie du Niwaka-men ?
11 Comments
2024 © Béné no Fukuoka !
Béné no Fukuoka ! est fière d'être la référence en français sur Fukuoka et l'île de Kyûshû.
Merci beaucoup.
C’était très intéressant.
Bien sûr j’ai vu les masques à Fukuoka mais je n’en ai jamais ramené en souvenir (ou des objets en relation).
Ça me fait une bonne idée pour la prochaine fois.
Bonjour,
Bel article. As-tu déjà assisté à un spectacle de conteurs ? As-tu ri ? 😉
Merci pour ce chouette article ! Je suis très friande de ce genre de textes sur les particularités culturelles régionales. Ce simple masque de papier implique beaucoup de choses intéressantes !
Eh bien, malgré plusieurs passages à Fukuoka, je ne l’avais pas remarqué
Merci!! お元気で!
Merci pour cet article original et instructif. Je trouve que c’est une bonne idée de nous faire partager tes connaissances sur l’histoire de Fukuoka.
Super article, j’ai appris plein de choses ! J’avais eu la chance d’en voir un petit spectacle lors du festival Mitama.
Merci pour l’article. C’est vraiment intéressant !
Merci pour cet article très intéressant !
C’est très intéressant. Je ne connaissais pas du tout ce symbole. Mais je me demande pourquoi les yeux tombants ont été choisis comme référence… Ca fait tristounet ou fatigué, tu ne trouves pas ?
Super article très instructif. Je met le masque Niwaka sur ma liste de trucs à rapporter du Japon 😉 J’adorerai croquer dans les biscuits !!
Super article très intéressant ! J’avais découvert ce masque grace à toi il y a quelques années maintenant, mais je ne connaissais rien de ses origines.