Plongée dans le monde de la porcelaine Nabeshima

Ôkawachiyama, le village de la céramique

Connaissez-vous la porcelaine japonaise ? Non ? Et bien moi non plus.
Enfin jusqu’à il y a deux semaines où j’ai fait une plongée dans ce monde mystérieux mais ô combien fascinant, lors d’un monitor tour de deux jours. Aujourd’hui je vous présente la porcelaine Nabeshima et le village d’Ôkawachiyama.

 

 
Ce (vraiment super) monitor tour s’appelait « Hizen yakimono zone ».
« Hizen » était le nom de la région qui regroupait les actuelles préfectures de Saga et de Nagasaki et faisait partie des neuf provinces qui composait Kyûshû (littéralement « les 9 provinces »): Chikuzen, Chikugo, Bunzen, Bungo, Hizen, Higo, Hyûga, Ôsumi et Satsuma.
 
« Yakimono » (焼物) peut se traduire en français soit par « poterie », par « céramique » ou par « porcelaine ». Sur internet on trouve ces différentes appellations et je ne savais pas la différence entre les trois, ni ce qui était juste. J’ai alors demandé conseil à la super Eugenie du blog Cocoyuyu dont c’est le domaine (en passant je vous conseille vraiment son blog, il y a plein d’articles super intéressants).

 

B : Dis-moi Eugenie, c’est quoi la différence entre poterie, céramique et porcelaine ? Je ne sais pas ce que je dois utiliser dans mon article…
 
E : Poterie et céramique c’est pareil : ca sous entend « le travail de l’argile ». Sauf que poterie a une connotation plus artisanale et rustique, alors que céramique a une connotation plus chic et artistique. La porcelaine est une pâte un peu différente mais ca rentre dans la famille de la céramique.
 
B : Oh je vois ! Alors je peux utiliser les trois ?
 
E : Tu peux te contenter de porcelaine tout court, et pour éviter les répétitions tu peux parler de céramiques aussi.
 
B : Merci Eugenie !

 
Ôkawachiyama, le village de la céramique
 

Rentrons dans le vif du sujet et pour commencer, un peu d’histoire

L’art de porcelaine a été introduit au Japon au 16ème siècle par le coréen Yi Sam-Pyeong. Il a découvert des gisements d’argile blanche appelée kaolin de grande qualité dans les environs d’Arita et les premières céramiques ont été cuites dans ce village. Depuis Arita est connu comme étant le berceau de la porcelaine japonaise.
A peu près à la même période, une campagne de guerre contre la Corée dans le but d’étendre le territoire japonais fut lancé. Le Japon subira une défaite mais de nombreux artisans talentueux furent capturés sur l’ordre d’un des personnages les plus importants de l’époque, Toyotomi Hideyoshi.
 
Ils ont été enfermés dans le petit village d’Ôkawachiyama, sur une colline isolée dans les hauteurs de la ville portuaire d’Imari à partir de 1675. La seule issue vers l’extérieur était une grande porte de bois (encore visible aujourd’hui). Avant chaque sortie les villageois étaient fouillés pour être sûr qu’ils ne transportent rien qui puisse trahir le secret de fabrication et à cette époque, Ôkawachiyama était surnommé « le village secret des four à céramique ». En effet, la porcelaine produite à Ôkawachiyama avait une immense valeur et était réservée aux élites comme le shôgun et ses seigneurs féodaux. Public exigeant oblige, de nos jours on ne trouve plus beaucoup de pièces anciennes car les oeuvres défectueuses étaient jetées, pour ne garder que celles parfaitement réalisées. Hélas.
Malgré la fermeture du Japon avec le monde extérieur, les céramiques continuèrent d’être vendue à l’étranger via les ports de Nagasaki mais aussi d’Imari ! Les céramiques Nabeshima connurent un grand succès en Europe, notamment en Allemagne où naquit la porcelaine de Meissen qui s’inspire fortement du style Nabeshima comme des autres styles de la région. Meissen est d’ailleurs jumelée avec Arita.

 

 

Le style Nabeshima

Le nom « Nabeshima » (鍋島) vient du chef de la région qui s’appelait Naoshige Nabeshima.
Cette porcelaine est caractérisée par l’utilisation de quatre couleurs : du bleu cobalt (majoritairement), du rouge, du jaune et du vert.
Elle est divisée en 3 styles :
 

Iro Nabeshima (色鍋島)

La couleur bleue es apposée sur la céramique qui est cuite une première fois avant d’ajouter les autres couleurs et de passer dans le four pour une seconde cuisson.

 

Nabeshima sometsuke (鍋島染付)

Le bleu est la seule couleur utilisée. Le contour est d’abord tracé puis un temps de pose est respecté pour laisser la couleur s’imprégner. Ensuite l’intérieur des motifs est peint avec des dégradés et des effets de transparence.

 

Nabeshima seiji (鍋島青磁)

Une pierre d’une grande qualité est utilisée et un vernis celadon est posé. La céramique n’est quasiment jamais peinte mais elle est gravée ou expressément fêlée pour créer des motifs

 
Ôkawachiyama, le village de la céramique
 

Ôkawachiyama

Par manque de temps nous n’avons pas pu vraiment nous promener dans le village mais ce n’était pas grave car je l’avais déjà bien exploré auparavant. Par contre on a vu pas mal de choses
 

Des vestiges d’époque

Avec la modernisation du processus de fabrication et l’arrivée du gaz, les fours et cheminées qui sont monnaie courant à Ôkawachiyama ne sont plus utilisés, tout comme cette « fontaine ».
Cette dernière servait à casser des morceaux d’argile à l’aide des tronc d’arbres qui se comportent comme des balanciers.
Une moitié du tronc est creusée pour accueillir de l’eau. A l’extrémité de l’autre moitié se trouve un pic en bois ou en fer sous lequel était placé la roche.
Une fois que l’espace creusé dans le tronc est rempli d’eau, il bascule pour se vider et revient violemment à l’horizontale ce qui fait que le pic vient taper l’argile qui se brise. Les trois troncs sont creusés plus ou moins profondément pour avoir différentes forces.
Si la « fontaine » n’est plus utilisée de nos jours, elle est conservée comme patrimoine important du village et c’est un endroit très reposant, où il fait bon de pique-niquer en écoutant le bruit de l’eau.

En descendant quelques marches à côté du pont principal du village on arrive au cimetière qui abrite un monument pyramidal en hommage à tous les artisans coréens qui ont participé à la renommée de la céramique Nabeshima.
 

 

 

Imari and Arita Pottery Traditional Industry Museum

Immanquable car situé à l’entrée du village, ce musée gratuit abrite plusieurs salles d’exposition : deux permanentes et une temporaire. Dans une des salles d’expo permanente, on peut admirer des pièces d’époque, de véritables Nabeshima et toucher différents morceaux d’argile. L’autre salle est pleine de porcelaines plus récentes et celle d’exposition temporaire était remplie de poupées et de décoration pour la fête Hina matsuri.
On peut aussi y faire l’expérience de la peinture sur céramique (payant).
J’aime beaucoup ce petit musée sans prétention. Chose assez rare pour être notifiée, il y a une brochure en anglais de disponible à l’accueil.
 

Une porcelaine du 19ème siècle représentant l'ancien découpage régional du Japon
Une porcelaine du 19ème siècle représentant l’ancien découpage régional du Japon


 

 

Rencontre avec des artisans céramistes et visite de l’atelier Hataman

Hataman est la seule boutique du village proposant aux visiteurs de visiter aussi bien leur atelier qu’une galerie. Si l’atelier est ouvert au public, l’accès au reste, à savoir l’enceinte où se trouve le four et la « chaine de fabrication », est normalement fermé aux visiteurs. Nous avons eu beaucoup de chance !
Il y avait des artisans au travail et c’était fascinant de les regarder travailler. Chut, il ne fallait pas faire de bruit car l’art de la porcelaine est une discipline demandant concentration et précision.
Oh, il n’y a plus que 31 personnes qui travaillent la céramique à Ôkawachiyama, c’est triste de savoir que la tradition se perd.
 
Céramiste, Ôkawachiyama, Saga


Atelier d'artisans céramistes, Ôkawachiyama, Saga
La variété des pinceaux : tous ont une épaisseur différente

 

 

« Hina matsuri » ou la fête des poupées

La veille de notre passage avait lieu Hina matsuri ou la fête des poupées (雛祭り) et tout le village était encore aux couleurs de cette célébration. Ôkawachiyama. On a trouvé des poupées absolument partout dans le village et, vous me connaissez, j’adore le rose et les choses girly donc j’ai adoré toutes les regarder. Y’a pas à dire, des poupées en porcelaine c’est vraiment joli ! J’ai aussi été touchée par les décoration faites à la main par les habitants. On sent que les habitants aiment leur village et font leur maximum pour que les visiteurs puissent passer un bon moment.
 

 

Ls boutiques

Et enfin aue serait Ôkawachiyama sans ses boutiques ? Toutes uniques et toutes charmantes, ma préférée reste de loin Tai-ichiro (太一郎窯), juste à côté de Hataman, citée plus haut. La raison ? Les superbes porcelaines qui sont à la fois accessibles et de très bonne qualité. Mais j’aime avant tout l’atmosphère de la boutique, ses étagères en bois, ses tentures bleu marine, sa cheminée qui trône en plein milieu et… ses chemins de porcelaine ! Ils sont fait avec des socles qui servent à maintenir les céramiques et sont jetés après une seule utilisation (je voulais tellement en rapporter un !). On en trouve aussi près de la « fontaine ».

 


 

Alors, est-ce que ça vous aura donné envie de découvrir Ôkawachiyama et la porcelaine Nabeshima ?

 
Je ne pense pas faire un article sur chacun des endroits du monitor tour, peut-être un autre sur les villages que nous avons visité à Nagasaki et éventuellement sur Arita si je suis en panne d’inspiration un jour mais pas plus car les autres endroits ont été visités plutôt rapidement. Je vais plutôt me concentrer sur la vidéo que j’a dans mes tiroirs et que j’espère poster d’ici la fin de la semaine !

 
Ôkawachiyama, le village de la céramique
 
 

Accès et informations pratiques

Ôkawachiyama (大川内山)


 

Accès depuis Hakata ou Tenjin
Prendre le bus rapide Imari-gô dans le terminal des bus et descendre à la station d’Imari (Imari-eki mae 伊万里駅前). 1h50 de trajet, 1770 yens.
Puis prendre le bus pour Ôkawachiyama devant la gare. 20 minutes de trajet, 150 yens.
 


Imari and Arita Pottery Traditional Industry Museum(伊万里・有田焼伝統産業会館)

 

Horaires et jours de fermeture
Ouvert 7j/7 de 9h à 17h. Fermé du 29 décembre au 3 janvier.

 


Hataman (伊万里焼 鍋島焼 窯元 畑萬陶苑)

 

Horaires et jours de fermeture
Ouvert 7j/7 de 9h à 17h30. Fermé du 29 décembre au 3 janvier.
 
▶︎ Site web (japonais)
 


Imari Tai-ichiro Kiln (伊万里焼 鍋島焼 窯元 畑萬陶苑)

 

Horaires et jours de fermeture
Ouvert 7j/7 de 9h à 17h30. Fermé du 29 décembre au 3 janvier.
 
▶︎ Site web (japonais)

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16 Comments

  1. Super article, comme toujours, sur un lieu que je connaissais absolument pas ! Merci Béné!

    Juste une petite précision (et parce que je viens de faire une grande recherche à ce sujet pour mon boulot!) : pour être tout à fait exacte, le terme « céramique » désigne toute réalisation à partir d’argile cuite. Les deux grandes catégories de céramique sont les céramiques à pâte poreuse (faïence, poterie/terre cuite) et les céramiques à pâtes imperméable vitrifiée (grès, porcelaine).
    Si tu veux plus de détails: http://www.sevresciteceramique.fr/site.php?type=P&id=8

  2. Merci pour cet article que j’ai adoré lire ! Et je ne me demanderai plus ce que sont ces « fontaines » à eau !
    Les poupées de porcelaine sont vraiment très mignonnes. Tu as acheté quelques souvenirs ? Et j’ai cru voir que tu avais essayé la décoration de porcelaine, tu recevras ta pièce une fois cuite ?
    En tout cas, tu m’as carrément donné envie de faire ce monitor tour. Je crois que mon prochain voyage au Japon sera principalement axé sur les villages de potiers.

    • Impossible de savoir comment ça pourrait se traduire en français par contre.

      Je n’ai rien acheté car c’était notre première étape et je n’avais pas envie de m’encombrer avec des choses qui cassent. Par contre j’ai reçu mon assiette en céramique, ce fut rapide !
      Si tu veux plus de détails sur le tour je pourrais t’en donner (par exemple sur les endroits où aller, ect).

  3. Super article !
    J’ai très envie d’aller voir ce village depuis ton premier article avec la fête des furin. Le seul « truc » qui me gène et le temps de transport assez long car on ira avec les enfants. Mais je crois que je vais quand même l’inclure dans notre voyage :p Ils dormiront dans le bus après tout ^^
    Mais c’est « LE » site que j’aimerais voir ! Merci pour cet article =)

    • Merci 🙂

      C’est vrai que c’est long mais les bus sont confortables et ça passe relativement vite. Il faudra faire faire de la peinture sur céramique aux enfants, ils devraient aimer.

  4. Edit de Béné : je n’ai que ton adresse (supposée ?) lorsque tu postes un commentaire 🙁 Apparemment c’est un problème de navigateur (tu es sur Chrome ?).

  5. Un très bel article, je regrette de pas l’avoir lu avant d’avoir visité Fukuoka et ses alentours… Je vais vraiment devoir songer à revenir sur mes pas ^_^
    La photo des deux petites poupées en porcelaine est superbe !

  6. Très sympa comme article, ça fait du bien de voir un peu d’artisanat.
    Et surtout, le charme de ces villages de Kyushu… avec les montagnes en fond, j’adore !

    • Je ne sais pas si j’en referais souvent, ça demande des connaissances plutôt pointues mais c’était intéressant à faire.
      A réserver pour ton prochain passage à Kyûshû 🙂

  7. Très joli article. L’atmosphère du village transpire par les photos, belle réussite !
    J’avais bien aimé ton précédent article sur ce village et le festival des furin ; celui-ci le complète bien. Définitivement à rajouter sur ma liste d’endroits à visiter !
    Comme Mag, j’adore les poupéee toutes rondes : elles sont trop belles.
    Merci pour ce bel article.

    • Ce village est vraiment super et pour moi c’st un des endroits à ne pas manquer à Saga. Si tu as l’occasion, fonce 🙂

  8. Bonjour Bénédicte ! Merci de partager tes belles découvertes du Kyûshû dans des articles toujours superbement rédigés ! Ces villages authentiques de potiers me tentent terriblement…Je n’ai malheureusement que 7j max (jr oblige…) pour visiter le Kyûshû entre Osaka puis Kyoto… n’y a-t-il aucun atelier / village authentique accessible en JR ou en bus mais à moindre frais ? Idéalement près d’un coin en montagne ou d’un coin à onsen, ou autre coin sympathique ?? :))

    • Oui mais comme il faut compter un mois entre l’atelier et la livraison du produit et que (à l’époque) ils ne livraient pas à l’étranger, je ne sais pas si ça vaut le coup.